Éviter les pièges de la société de consommation (et donner du sens à ses actions)
#3 - Comprendre la nature de notre irrationalité pour ne plus la subir
Mercredi 3 mai 2022.
Après 222 jours de voyage à travers l’Asie, je fatigue. Alors seul dans le nord de l’Inde, sous une chaleur écrasante, je me questionne.
“Mais pourquoi est-ce que je fais tout ça ?”
Après 7 mois, j’ai peu à peu perdu l’envie de m’ouvrir aux autres, de découvrir de nouveaux paysages, j’arrive à saturation : C’est TROP.
Mais alors pourquoi ai-je voulu partir si longtemps, voir tant de pays, accumuler tant d’expériences ?
De mon point de vue, c’est le mix d’un tas de raisons : une curiosité profonde de comprendre et découvrir le monde, de rencontrer de nouvelles cultures, le besoin d’accomplissement, le goût du défi, une fuite de la vie quotidienne…
D’un point de vue sociologique, c’est un besoin qui correspond à l’idéal romantique et consumériste de notre époque.
“Le romantisme nous dit que, pour tirer le meilleur parti de notre potentiel humain, il nous faut multiplier autant que possible les expériences.
Le consumérisme nous dit que, pour être heureux, il faut consommer autant de produits et de services que possible.” - Yuval Noah Harari - Sapiens
Même en étant parti pour une aventure qui semblait sortir de l’ordinaire, je comprends que mes actions ne sont pas issues de ma seule volonté, mais sont influencées par l’environnement dans lequel je vis.
Ne serais-je donc que le produit de l’idéal social moderne ?
Pourquoi tombons-nous toujours dans le piège du “toujours plus” ?
Pourquoi vivre de façon saine et modérée est-il si difficile à notre époque ?
C’est ce que nous allons chercher à comprendre.
Aux racines de l'irrationalité humaine : le cerveau
Nous ne sommes pas des êtres rationnels.
Nous connaissons les effets des réseaux sociaux sur notre bien-être, mais nous sommes incapables d’arrêter de scroller.
Nous connaissons les effets destructeurs de notre mode de vie consumériste sur la planète, pourtant, rien ne change.
Mais alors pourquoi fonçons-nous individuellement et collectivement dans le mur ?
Dans “Le bug humain”, Sébastien Bohler, découvre le responsable de notre irrationalité : le cerveau.
Et plus particulièrement, le striatum.
C’est une zone du cerveau très ancienne, qui motive nos décisions et nos actions en sécrétant de la dopamine (hormone du plaisir), lorsque l’on atteint 5 objectifs principaux :
manger
avoir des rapports sexuels
avoir un statut social et de la reconnaissance
avoir le plus d'informations possibles sur notre environnement
minimiser nos efforts
Ces 5 objectifs sont hérités de notre Évolution et visaient, à l’origine, à assurer notre survie, dans un environnement hostile et peu abondant.
Tous les jours, il fallait économiser son énergie (= minimiser les efforts), connaître les dangers potentiels environnants (= récolter de l’information), trouver de la nourriture…
Il fallait sauter sur la moindre occasion de remplir ces besoins : c’était une question de survie.
MAIS depuis, notre environnement a drastiquement évolué.
Une société d’abondance, axée sur l’avoir
"Les gens n'ont pas besoin de grosses voitures ; ils ont besoin d'admiration et de respect. Ils n'ont pas besoin d'un flux constant de nouveaux vêtements ; ils ont besoin de sentir que les autres les considèrent comme attirants, et ils ont besoin d'excitation, de variété et de beauté. Et ainsi de suite.
Essayer de combler des besoins réels mais non matériels - identité, communauté, estime de soi, défi, amour, joie - avec des choses matérielles, c'est créer un appétit insatiable pour de fausses solutions à des désirs jamais satisfaits.” - Donella Meadows
Nous ne vivons plus dans la rareté. Nos progrès économiques et technologiques nous offrent même un monde d’abondance (dans les pays développés).
Nous pouvons désormais répondre à ces besoins millénaires en quelques clics.
Notre striatum est incapable de dire STOP.
Le besoin d’information qui servait à l’époque à comprendre l’environnement naturel pour survivre, sert aujourd’hui à scroller sur Twitter.
Au 21ème siècle, on meurt davantage de suralimentation que de la faim.
Par ailleurs, l’évolution économique a débouché sur une culture valorisant l’accumulation matérielle. La 2ème moitié du 20ème siècle voit émerger la société de consommation = une société dont l’achat de biens de consommation est à la fois le principe et la finalité.
C’est un véritable style de vie, basé sur la recherche de confort, de statut social et de plaisir immédiat qui est promu : une aubaine pour le striatum. Il n’est pas nécessaire de se restreindre.
Nous réalisons aujourd’hui que cette quête du “toujours plus” court à sa perte.
Dans le cerveau, le circuit de la récompense est régi par la lassitude.
C’est le principe d’adaptation hédonique : plus on répète une action qui nous donne du plaisir, moins on ressent de plaisir. La seule solution est alors d’augmenter les doses.
L'insatisfaction, l’anxiété et les dépressions sont en constante augmentation. C’est une course infernale et infinie.
Cette logique ne fait plus sens et relève de l’autosabotage.
La conscience pour passer de l’avoir à l’être
« Une des dimensions du désir humain est qu’il est infini. S’il place essentiellement son désir dans le domaine de l’avoir, l’être humain demeurera un éternel insatisfait et restera prisonnier des pulsions de son cerveau primaire qui ne connaît pas de limites (…). A l’inverse, si nous sommes davantage mus par un accroissement de notre être, nous ne sommes jamais ni frustrés, ni insatisfaits : la connaissance, l’amour, la contemplation de la beauté, le progrès intérieur nous comblent sans jamais nous donner ce sentiment de frustration typiques des désirs orientés vers l’avoir » - Frédéric Lenoir
Nous vivons une lutte interne constante entre
le striatum : qui est à l’origine de nos besoins profonds et recherche des plaisirs immédiats.
le cortex cérébral : c’est la partie rationnelle qui crée de la conscience, de l’abstraction et de la planification. C’est celle-ci qui nous permet d’anticiper les effets à long terme de nos actions.
Nous avons une chance : la structure de notre cerveau est plastique. Nous pouvons agir pour développer notre conscience et réfléchir davantage au sens de nos actions.
L’idée n’est pas de brider nos désirs, mais de les faire évoluer vers un but qui nous dépasse et qui fait sens pour nous.
Les buts conditionnés par la société peuvent être nocifs, car ils sont orientés vers l’avoir: obtenir du statut social par l’accumulation matérielle, par exemple.
Nous pouvons changer nos comportements et renoncer aux plaisirs immédiats, si nous établissons de nouveaux buts, tournés vers l’être, plutôt que vers l’avoir.
Le psychothérapeute Adler estime que le véritable bonheur provient du sentiment de contribution au monde qui nous entoure.
Être utile à quelqu’un, apporter sa contribution à la communauté nous donne un but, nous fait ressentir notre valeur intrinsèque et nous apporte de la joie.
Plus nous avons le sentiment de contribuer, plus nous sommes libres de devenir pleinement nous-mêmes, sans nous soucier du regard des autres, ni succomber aux plaisirs immédiats.
La volonté d’apporter sa contribution est un but supérieur, qui permet de cheminer vers soi-même, tout en évitant les pièges de la logique consumériste moderne.
C’est une piste parmi d’autres.
Quoiqu’il en soit, le temps est venu d’explorer de nouvelles façons de vivre, pour ne plus subir les conséquences de l’hédonisme matérialiste et déraisonné, caractéristique de notre époque.
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