Dans l’économie de la connaissance, le succès sourit à ceux qui ont une bonne connaissance d’eux-mêmes – de leurs forces, de leurs valeurs et des domaines dans lesquels ils sont le plus performants. - Peter Drucker
En 1999, Peter Drucker “le Pape du Management”, rédige un article visionnaire et lucide sur son époque. Le titre ? “Se manager soi-même”.

L’idée : les transformations sociétales, engendrées par les progrès techniques et la démocratisation des moyens de communication, offrent une liberté de choix et des opportunités sans précédent pour les individus : avec ambition, dynamisme et travail, chacun peut choisir ses modalités de carrière, créer son propre chemin et atteindre le sommet de sa profession.
Mais ce gain de liberté est aussi source d’anxiété.
Choisir et gérer sa carrière au 21ème siècle, c’est naviguer dans un panel d’options illimitées, génératrices de doutes et de remises en question permanentes.
Notre génération a d’ailleurs du mal à gérer ce paradigme totalement inédit dans l’histoire de l’Humanité.
La technologie révolutionne notre rapport au travail
“Liberté signifie responsabilité. C’est pour ça que la plupart des hommes la craignent.” - Georges Bernard Show
Tout au long de l’histoire, les gens n’avaient pas de choix de carrière à faire. Ils étaient nés dans un schéma et la norme était de reproduire ce schéma, que ce soit sur le plan professionnel ou géographique : les métiers étaient des vocations familiales dont on héritait.
À la fin du XIXème siècle, la Révolution Industrielle s’enclenche et fait basculer une société à dominante agraire et artisanale vers une société commerciale et industrielle.
Cette transition a transformé la société dans son ensemble : elle a fait se déplacer un grand nombre d'individus de la campagne vers la ville et a transformé l'organisation de la hiérarchie sociale, en créant 2 catégories principales : la bourgeoisie et les ouvriers.
Là encore, les travailleurs avaient peu de choix quant à leur travail. C’est l’époque du paternalisme : l’entreprise assure aux salariés des avantages personnels (logement, nourriture, éducation..), en échange de leur travail.
Ces sanctions positives sont avantageuses pour les ouvriers. Mais ce sont aussi des moyens de contrôle : le travailleur dépend de l’entreprise dans tous les domaines de sa vie quotidienne.
Et puis, dans la 2ème moitié du XXème siècle, tout a commencé à basculer : les technologies de l’information et de la communication démocratisent l’accès aux informations et transforment notre société.
“Parce qu’elle transforme l’un des caractères les plus fondamentaux de l’humanité – la communication –, la révolution numérique surgit dans presque tous les domaines de l’activité humaine : l’économie et le travail, mais aussi l’éducation, les pratiques culturelles, les relations sociales… Au milieu du xve siècle, l’invention de l’imprimerie avait ouvert l’ère moderne. Cinq siècles plus tard, les TIC pourraient avoir des conséquences comparables” - Pierre-Alain Muet
Cette transition est une révolution de notre rapport au travail :
Elle marque le retour à une plus grande autonomie des individus, après la bureaucratisation de l’ère industrielle ;
Le savoir acquis dans la vie quotidienne devient valorisable et exploitable sur le plan professionnel.
La démocratisation du travail à distance donne accès à un large panel de choix de métiers.
Au fur et à mesure que la technologie se développe, l’individu est de plus en plus libre et donc responsable de ses choix.
À partir de la fin 1960, les gens ont commencé à se poser la question : « Qu’est-ce que je veux faire ? », « Quelle devrait être ma contribution au monde ? ».
La solution pour répondre au mieux à ces questions, selon Drucker : c’est la connaissance de soi.
La compétence ultime à l’ère de l’information, c’est la connaissance de soi
“Connais-toi toi-même” - Socrate
Le nouveau paradigme ne doit pas être vu comme une responsabilité écrasante, mais bien comme une liberté extraordinaire à laquelle nous avons droit.
C’est un changement, et comme tout changement, cela implique de nouveaux comportements.
Nous devons apprendre à nous connaître, à nous développer et comme le dit Peter Drucker : à nous manager.
Mais, très peu de gens connaissent réellement leurs atouts fondamentaux, et encore moins en tirent parti.
Pourtant, la “correspondance personnelle” (c’est-à-dire, le degré d'adéquation entre le travail effectué par une personne et sa personnalité : ses forces, ses valeurs…) est un des facteurs les plus importants de la réussite professionnelle.
Si vous placez quelqu'un dans un contexte qui lui convient, il est plus probable qu'il travaille dur et cela ressemblera à du courage vu de l'extérieur. En réalité, c’est surtout une question de correspondance personnelle.
Dans “Range : Le règne des généralistes: Pourquoi ils triomphent dans un monde de spécialistes?”, David Epstein démontre que ceux qui explorent différents domaines et font évoluer leur carrière, sont les plus susceptibles de réussir à long terme, car ils améliorent leur correspondance personnelle avec leur métier.
Nous évoluons bien plus que nous le pensons au cours de notre vie. Il n’est donc pas judicieux de s’accrocher à une voie que l’on a choisie 10 ans plus tôt, si celle-ci ne nous fait plus vibrer.
“Des objectifs de carrière qui semblaient autrefois sûrs et certains peuvent paraître ridicules lorsqu’ils sont examinés à la lumière d’une meilleure connaissance de soi.” - David Epstein
Les carrières réussies d’aujourd’hui ne sont pas planifiées à l’avance. Elles sont le fruit d'expériences et d’itérations au fil du temps.
Vous devez être prêt à faire évoluer votre plan au gré de vos expériences, de vos ressentis et des forces que vous vous découvrez.
Les 5 questions à se poser pour mieux se connaître et réussir professionnellement
“Comment peut-on apprendre à se connaître soi-même ? Par la méditation, jamais, mais bien par l'action.”- Gandhi
Nous apprenons qui nous sommes dans la pratique, pas en théorie.
Par conséquent, pour déceler vos aptitudes vous devez :
1) agir
2) tirer les leçons de vos expériences.
Votre bilan personnel doit se faire à la lumière de vos expériences passées.
À ce propos, Drucker propose 5 questions à vous poser, pour mieux connaître vos aptitudes. Les voici:
Quelles sont mes forces ?
“L’analyse rétroactive est la seule façon de connaître vos forces. Chaque fois que vous prenez une décision importante ou que vous engagez une action décisive, notez le résultat escompté.” - Peter Drucker
En analysant vos résultats et ressentis a posteriori, vous aurez une idée de vos forces.
⇒ Concentrez-vous sur vos points forts. Placez-vous là où vos forces produiront des résultats. Perfectionnez-les.
Quel est mon style de travail ?
Déterminez :
“Suis-je un visuel ou un auditif ?”
“Quel est mon style d’apprentissage ?” : certains apprennent en agissant, d’autres en écoutant, en lisant, en s’entendant parler…
« Est-ce que je sais travailler en équipe ou suis-je un solitaire ? »
« Suis-je efficace en situation de stress, ou ai-je besoin d’un environnement structuré et sans surprise ? »
« Est-ce que je travaille mieux dans une grande ou dans une petite structure ?”
Chacun a son propre style de travail et vous avez tout intérêt à identifier le vôtre.
Quelles sont mes valeurs ?
Demandez-vous : « Quel type de personne est-ce que je veux voir dans le miroir le matin ? »
Travailler dans une entreprise qui n’est pas en accord avec votre système de valeurs vous condamne à la frustration et à l’inefficacité.
Quelle est ma place ?
“La plupart des gens, notamment ceux qui sont extrêmement doués, ne savent guère quelle est leur place, tant qu’ils n’ont pas approché la trentaine” - Peter Drucker
Voilà qui est rassurant. C’est normal de prendre du temps pour trouver sa place.
Pour y remédier, Drucker estime que si vous êtes capables de répondre aux 3 premières questions, vous pouvez vous prononcer face à une opportunité et fixer vos conditions.
On ne trouve pas sa place en planifiant. On trouve sa place en répondant aux opportunités les plus prometteuses selon nos forces, notre style de travail et nos valeurs.
Quelle devrait être ma contribution ?
Là encore, il n'est pas nécessaire de se projeter trop loin.
“Où et comment puis-je obtenir des résultats qui feront changer les choses dans les 18 mois à venir ?”
Les résultats ne doivent pas être faciles à atteindre (mais doivent rester accessibles).
Les résultats doivent être observables et si possible, quantifiables.
Les résultats doivent apporter du changement.
Conclusion
La semaine dernière, j’expliquais que l’épanouissement au travail nécessitait de trouver l’équilibre entre amélioration et exploration.
Cette semaine, on comprend que l’on trouve cette équilibre :
en écoutant ses ressentis,
en analysant ses actions a posteriori,
et en restant toujours ouvert aux nouvelles possibilités de la vie.
La semaine prochaine, nous verrons en quoi les enseignements de Socrate peuvent nous aider à être meilleurs que l’Intelligence Artificielle.
D’ici là, portez-vous bien ☀️
-Eliott
Quelques ressources qui ont nourri ma réflexion
“Se manager soi-même” - Peter Drucker
”Impacts économiques de la révolution numérique” - Pierre-Alain Muet
”Range : Le règne des généralistes: Pourquoi ils triomphent dans un monde de spécialistes” - David Epstein
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Excellent! belle présentation de l’œuvre du père du management moderne, l'auteur maitrise son sujet 👍😘
Merci pour l analyse et le style ! 🤓😍