Nous n'avons jamais eu autant de moyens d’être connectés les uns aux autres.
Pourtant, nous ne nous sommes jamais autant sentis aussi seuls.
C’est l’un des grands paradoxes de la modernité.
Grâce à Internet, nous pouvons communiquer avec n’importe qui, depuis n’importe où et de manière instantanée.
Et pourtant, en 2024 :
1 personne sur 5 se sent seule en France.
12% sont en situation d'isolement total, sans contact physique avec leurs proches. (Fondation de France, 2024)
55 % des Français disent se sentir souvent ou de temps en temps seuls, un sentiment davantage présent chez les moins de 25 ans (76 %) que chez les plus de 65 ans (48 %) (Baromètre du Labo de la Fraternité, 2024).
Parallèlement, plus on avance, et plus la santé mentale des français continue de se dégrader de manière alarmante, année après année.
Qu’est-ce qui a changé par rapport à avant ? Et pourquoi nous sentons-nous si seuls au 21ème siècle ?
Dans cette édition, je vais tenter de répondre à ces questions
Aux racines de la solitude moderne
Il faut une tribu pour élever un homme. Ainsi l’évolution favorisa-t-elle ceux qui sont capables de nouer de robustes liens sociaux - Sapiens
Commençons par un flashback : revenons aux origines de notre espèce.
Au départ, Homo Sapiens se trouvait au milieu de la chaîne alimentaire.
Qu’on se le dise : physiquement, nous n’avons jamais fait le poids face aux lions, aux ours et autres prédateurs en tous genres.
Nous devons la survie de notre espèce dans cet environnement hostile à une chose en particulier : notre capacité de coopération.
Les organismes qui survivent le mieux aux conditions difficiles ne sont pas les plus forts, ce sont ceux qui arrivent à coopérer. - Pablo Servigne
Grâce à notre intelligence et à notre capacité à communiquer, nous avons appris à collaborer et à devenir plus ingénieux dans notre organisation collective.
Au fil des années, nous avons su développer le langage, puis d’autres moyens de communication extrêmement fins, pour mieux nous organiser, coopérer et monter tout en haut de la chaîne alimentaire.
Comme l’explique Yuval Noah Harari dans Sapiens, ce qui est à l’origine de notre “triomphe écologique”, c’est notre capacité à raconter des histoires, à croire en des mythes communs (Etats, religions, entreprises…) et à partager une culture commune pour coopérer à très grande échelle.
Mais si nos croyances communes ont permis à notre espèce de survivre jusqu’à aujourd’hui, il semblerait que celles-ci n’aillent plus dans le bon sens et menacent sérieusement notre avenir.
Les effets du progrès sur le lien social
Des millions d’années d’évolution nous ont modelés pour vivre et penser en membres d’une communauté. Il aura suffi de deux petits siècles pour faire de nous des individus aliénés. - Yuval Noah Harari
Les progrès technologiques ont fait émerger des outils toujours plus puissants permettant une augmentation de la productivité et de la croissance économique.
Celle-ci a débouché sur une hausse du niveau de confort global et une plus grande autonomie de chacun.
Les humains, façonnés par un monde de rareté pendant des centaines de milliers d’années se sont retrouvés à vivre dans le monde d’abondance que nous connaissons aujourd’hui.
Sous l’impulsion de ces grands changements, notre culture a évolué, délaissant l’importance du groupe au profit de l’émancipation et la liberté individuelle.
Ce qui est fou, c’est que ce phénomène n’est pas propre à l’humain. Il existe depuis toujours dans le monde animal.
Pablo Servigne l’explique brillamment dans “L’entraide” :
“Dans le monde animal, plus le milieu est hostile, plus l’entraide a tendance à voir le jour et à se renforcer (faute de quoi les groupes disparaîtraient). En situation d’abondance, il est aisé de dire à ses voisins : je n’ai pas besoin de vous, je fais ce que je veux.”
En poussant le culte de la compétition à son extrême, et en l’institutionnalisant, notre société n’a pas seulement engendré un monde violent, elle a surtout ôté une grande partie de son sens à la vie. Le délitement des liens entre humains et des liens avec le vivant a créé un grand vide, un immense besoin de consolation, que nous tentons de combler en permanence par l’accumulation frénétique d’objets, de trophées, de conquêtes sexuelles, de drogues ou de nourriture. - Pablo Servigne, l’Entraide
Pourtant, le facteur principal de notre bonheur: nos liens aux autres.
Il semble que la famille et la communauté aient plus d’impact que l’argent et la santé sur notre bonheur. - Yuval Noah Harari
En 1938, l'université de Harvard (États-Unis) mène l'étude scientifique la plus longue de l'histoire sur le bonheur.
L’idée : suivre le développement de 700 adolescents pendant toute leur vie, en contrôlant périodiquement leurs joies et leurs difficultés, leur état physique, mental et émotionnel pour déterminer quels sont les facteurs de bonheur les plus importants.
En 2015, près de 80 ans plus tard, le verdict tombe: le facteur le plus déterminant du bonheur est, de loin, les relations sociales.
Les individus les plus connectés à leur famille, à leurs amis et à leur cercle social sont plus heureux et même en meilleure santé.
À l'inverse, les personnes isolées sont moins heureuses et leur état de santé décline en milieu de vie, tout comme leurs capacités cognitives.
Les chercheurs de cette étude émettent l’hypothèse suivante : parler aux autres, se confier et partager des moments, génèrent un sentiment d’appartenance et cela réduit le stress. Or, si on reste tout le temps seul, ce stress peut être plus difficile à évacuer.
Marc-Aurèle le disait déjà il y a plus de 2000 ans :
Dans la constitution de l’homme, le caractère essentiel est donc la sociabilité.
Nous sommes biologiquement câblés pour être coopératifs.
C’est d’ailleurs prouvé : le don active les zones cérébrales du plaisir et du bonheur chez celui qui donne.
3 pistes pour créer du lien au 21ème siècle
1 - Voyez vos relations comme un muscle
Au 21ème siècle, nous ne sommes plus dépendants des autres pour notre survive immédiate. Nos liens ne sont donc plus “automatiques”, comme ils l’étaient pendant toute l'histoire de l’humanité.
Pour autant, nous avons toujours besoin des autres. Nos relations nous nourrissent et donnent du sens à notre vie.
Le chercheur Robert Waldinger fait une analogie intéressante entre relations sociales et muscles.
“Si nous restons assis toute notre vie, nos muscles s'atrophient. De la même manière, les bonnes relations peuvent s'atrophier non pas en raison de problèmes, mais à cause de la négligence.”
👉 Désormais, il appartient à chacun d’être proactif dans la constitution de son cercle social. Et c’est comme tout, cela s’entretient.
2 - Rendez votre socialisation inévitable par un dispositif d’engagement
Un dispositif d’engagement est un choix que vous faites dans le présent et qui contrôle vos actions futures. C’est un excellent moyen pour tenir ses habitudes.
Par exemple, vous pouvez vous inscrire à une activité de groupe récurrente chaque semaine, comme un cours de théâtre ou tout autre loisir.
👉 L’action de vous inscrire aujourd’hui vous engage à participer à cette activité chaque semaine et à entretenir votre cercle social.
3 - Utilisez Internet de manière proactive
Dans une interview, Robert Waldinger explique les effets ambivalents des réseaux sociaux selon la façon dont on les utilise :
Si nous les utilisons activement pour entrer en contact avec d'autres personnes, cela augmente notre bien-être.
Si nous les utilisons de manière passive pour scroller sur Tiktok ou regarder avec envie la vie des autres sur Insta, cela peut nous rendre vulnérables : on a l’impression que tout le monde a une vie formidable (car les gens ne montrent que les bons moments).
👉 Ce que nous pouvons faire donc, c’est utiliser les réseaux sociaux activement, pour entrer en contact avec les autres.
D’ailleurs, c’est ce qu’on a décidé de faire avec Chaïmaâ : on organise une soirée entre créateurs le Jeudi 29 février à Paris 🥳
L’idée est simple : se donner rendez-vous dans un bar le temps d’une soirée, pour se rencontrer, échanger, se marrer, enfin bref : créer du lien, tout simplement.
Je serais ravi de vous y voir ! Pour s'inscrire, c’est ici 👇
https://tally.so/r/3NW8zp
Merci pour votre lecture et excellente semaine à vous ☀️
-Eliott
Notre époque devrait être, comme le fut la Renaissance, et plus encore qu’elle, l’occasion d’une reproblématisation généralisée. Tout est à repenser. Tout est à commencer - Edgard Morin
N’hésitez pas à me faire un retour en commentaire ou par retour de mails pour me dire ce que vous avez pensé de cette édition 💌
Et si le coeur vous en dit : je viens de sortir une vidéo Youtube !
Le thème ? Découvrir ses forces pour orienter sa carrière 👇
Bravo pour cette super initiative :)
Quel est le format prévu ? Une rencontre par mois ?
On est bien trop souvent seul.
Merci Eliott.