Pourquoi notre travail n’a plus de sens (et comment le retrouver)
#8 - Ou comment créer du sens dans un modèle qui n’en a plus
À 20 ans, j’ai travaillé dans une entreprise du CAC 40 en alternance :
J’ajoutais alors une belle ligne à mon CV
J’étais valorisé socialement
Je recevais un bon salaire
Pourtant, ça a été une claque.
J’ai vécu une perte de sens :
Je manquais d’autonomie
Je ressentais un conflit de valeurs
J’effectuais des missions répétitives et inintéressantes
Chaque jour, j’avais l’impression de m’éloigner un peu plus de la personne que je rêvais d’être.
J’ai cru que c’était le chemin normal de la vie : accepter une vie peu trépidante et désalignée, en échange de sécurité matérielle et de reconnaissance sociale.
3 ans plus tard, je comprends que ce mode de pensée est une illusion qui n’a plus de sens.
Et je suis loin d’être le seul :
Il y a 2 fois plus de travailleurs "activement désengagés" dans le monde que de travailleurs "engagés" qui aiment leur travail.
29% des Français ne perçoivent ni le sens, ni l’utilité de leur emploi.
En 30 ans, la proportion de travailleurs jugeant leur travail comme “très important” dans leur vie est passée de 60% en 1990 à 21% en 2022

Pourquoi le travail est-il en train de perdre son sens ? C’est ce que nous allons chercher à comprendre.
Le grand désenchantement d’un modèle à bout de souffle
Revenons d’abord aux racines du modèle actuel.
1776 : Adam Smith, économiste, sort le plus grand livre jamais écrit sur la vie économique “La Richesse des nations”.
Il y expose notamment 2 théories :
L'individu serait naturellement égoïste et il aurait tout intérêt à l’être : selon lui, la recherche des intérêts particuliers aboutit à l’intérêt général. C’est le principe de la main invisible.
👉 L’individu au travail ne serait donc motivé que par des incitations individuelles (récompenses / punitions).
La division du travail serait à l'origine de gains de productivité et de progrès économique.
👉 Découper les tâches et les rendre routinières rendrait les organisations plus productives.
Ces principes constituent les fondements de notre mode d’organisation sociétal, qui nous a effectivement sorti d’un monde de besoin, pour nous offrir un monde d’abondance matérielle aujourd’hui.
En revanche, une partie du discours de Smith, moins enthousiasmante, n’a semble-t-il pas été entendue par les nations et entreprises.
« Dans le progrès de la division du travail (...) L’homme qui passe toute sa vie à accomplir un petit nombre d’opérations simples, dont les effets sont peut-être aussi toujours les mêmes ou presque, n’a aucune occasion d’employer son entendement, ou d’exercer ses capacités inventives à trouver des expédients pour surmonter des difficultés qui ne se produisent jamais. Il perd donc naturellement l’habitude d’un tel effort, et devient généralement aussi bête et ignorant qu’une créature humaine peut le devenir. » - Adam Smith
Selon Smith, sans action préventive du gouvernement, la division du travail et le progrès économique présentent un coût non négligeable : la ruine de l’esprit du travailleur.

De plus, la théorie de l’individu naturellement égoïste, motivé uniquement par la carotte (incitation financière, statut) et le bâton (contrôle du travail), s’avère être une véritable erreur de jugement.
Les études montrent que les méthodes d’incitation par récompense et punition ont même souvent des effets négatifs sur l'engagement des employés et la satisfaction au travail : Adam Smith s'est trompé sur nos attitudes et nos aspirations à l'égard du travail.
Comment un mode de pensée erroné a-t-il pu durer si longtemps ?
Les travailleurs n’avaient pas le choix.
Les travailleurs avaient un sentiment d’appartenance aux structures collectives (Etat, entreprises, syndicats…), qui leur était vecteur de sens.
Les travailleurs avaient le sentiment de contribuer au progrès et à l’amélioration des conditions de l’ensemble de la société.
Après 200 ans de progrès économique, le monde s’est transformé.
De l’ère industrielle à l’ère de l’information
Nous vivons à l’ère d’Internet. Les informations sont disponibles partout, tout le temps.
Désormais :
Les travailleurs ont le choix (de métiers, de conditions de travail…).
Les travailleurs ne s’identifient plus aux structures collectives : phénomène d’individualisation
Les travailleurs ont compris que le système actuel était intenable d’un point de vue social et écologique
En 1999, le sociologue Manuel Castells témoignait des impacts attendus de la transition numérique :
“C'est une société entièrement nouvelle qui est en train de se mettre en place sous nos yeux, la société en réseaux. À la verticalité des hiérarchies succède l'horizontalité de la communication ; à l'autorité des pouvoirs en place, la légitimité que confèrent l'initiative et la réussite ; à l'uniformité industrielle, la diversification des relations de travail” - Manuel Castells
Force est de constater que notre monde du travail n’a pas encore fait sa transition. Il est toujours hérité de l’ère industrielle et de ses grands principes :
présentéisme
relations hiérarchiques
incitations individuelles (contrôles / récompenses)...
Le mode d’organisation actuel n’a pas été conçu pour optimiser l’épanouissement des individus, mais pour maximiser la croissance économique d’une société industrielle qui n’est plus d’actualité.
Tout est encore organisé pour optimiser la course au toujours plus (de production, d’efficacité, de matériel…).
“Mais toujours plus pourquoi au juste ?”
La crise du COVID nous a fait réfléchir au rôle que nous avons à jouer sur cette terre et à la place du travail dans nos vies.
La logique de récompense ne suffit plus.
Les travailleurs actuels ne veulent plus consacrer leur vie au travail, si celui-ci n’a pas de sens pour eux.
Créer du sens dans un modèle qui n’en a plus
Le sens au travail = l’alignement ressenti entre ce qui se passe dans l’entreprise et ce qui est vécu par le salarié, ce qui passe notamment par un fil conducteur entre les missions, la participation à une transmission et la contribution à quelque chose de plus grand. - Rapport “ du sens à l’ouvrage”, par le projet sens
Les facteurs de sens sont nombreux, mais on peut les décliner en 2 catégories :
La finalité du travail : ce facteur est lié à l’utilité sociale et au sentiment de contribuer à quelque chose de plus grand. Ce facteur est presque indispensable pour avoir un travail épanouissant sur le long terme.
Le contenu du travail : il doit permettre un équilibre dans les missions, entre un sentiment de maîtrise mais aussi de progrès par l’apprentissage. Les conditions de travail doivent permettre au travailleur d’avoir un sentiment d'autonomie, de nouer des relations et d’avoir des feedbacks constructifs.
Le sens au travail est un paradoxe : il est lié à l’accomplissement de soi mais il dépend des autres pour sa réalisation.
Alors comment trouver ce qui fait sens pour nous ?
Bien-sûr, nous pouvons pousser collectivement pour de meilleures conditions de travail et des modes d’organisation plus sains et épanouissants pour les individus.
Mais faire évoluer les organisations est un processus complexe, qui prend du temps. De plus, le sens est une notion subjective : il y autant de définitions du sens que d’individus.
Voici 5 pistes d’actions qui peuvent vous aider à trouver / créer un métier qui a du sens pour VOUS :
1 - Définissez les facteurs de sens les plus importants pour vous
C’est l’étape indispensable pour être aligné avec son travail au quotidien. Aucun job ne remplit tous les critères, surtout en début de carrière.
👉 Vous devez établir vos priorités : le développement de compétences ? Les bonnes relations ? La flexibilité ? La mission de l’organisation ? …
2 - Privilégiez les organisations novatrices qui vous offrent une certaine autonomie
“Donner aux gens plus de contrôle sur ce qu'ils font et sur la manière dont ils le font augmente leur bonheur, leur engagement et leur sentiment d'accomplissement.” - Cal Newport
Les travailleurs qui s’épanouissent dans leur job ont des “contrats incomplets”. Certaines tâches et relations ne sont pas formellement spécifiées et c’est en conscience qu’ils agissent.
👉 Choisissez des organisations qui vous laissent une certaine marge de manœuvre sur les moyens que vous utilisez.
3 - Concentrez-vous sur le processus, plutôt que sur les résultats
“Dans un monde en perpétuel changement, où les riches d'aujourd'hui sont souvent les pauvres de demain, la seule sécurité est votre capacité à produire quelque chose de valeur pour vos semblables, et votre seule garantie de bonheur est la joie que vous éprouvez à le produire”. - William J. Reilly
Plutôt que de chercher votre mission de vie, trouvez un processus qui vous nourrit.
Personnellement, c’est l’écriture, qui me permet d’enrichir ma pensée, de développer des compétences et de faire découvrir de nouvelles idées à ceux qui me suivent.
L’acte de création est devenu une récompense en soi.
Si votre objectif est d’aimer votre métier, vous devez aimer les processus qui lui sont liés.
👉 Faites le point sur vos expériences passées : quelles sont les tâches qui vous donnent de l’énergie ? Ou au contraire, celles qui vous en prennent ?
4 - Choisissez un métier dont vous percevez l’impact
“L'utilité, quelle que soit sa forme, est le prix à payer pour l'air que nous respirons, la nourriture que nous mangeons et le privilège d'être en vie. Et c'est aussi sa propre récompense, car c'est le début du bonheur, tout comme l'apitoiement sur soi et le retrait de la bataille sont le début de la misère.” - Eleanor Roosevelt
Précision : sentir l’impact de son travail n’implique pas forcément de sauver le monde.
👉 Le simple fait de sentir que votre travail améliore/facilite la vie d’autres personnes (clients, bénéficiaires, collègues en interne…) donnera du sens au travail que vous effectuerez.
5 - Lancez un side project
Un side project est un projet que l’on mène en parallèle de son activité principale.
Par exemple, vous pouvez créer :
un podcast
une association
votre chaîne Youtube
…
Votre side project est un prétexte pour tester une activité qui vous attire, remplir une mission qui vous anime ou apprendre des compétences sans prendre de risque.
👉 Internet offre la possibilité de lancer n’importe quel projet à moindre coût. Profitez-en !
D’ailleurs, si vous avez des questions sur le lancement d’un projet et/ou la création de contenu sur Internet, contactez-moi par message ou par retour de mail. Je me ferai un plaisir de vous aider !
Conclusion
Trouver son pourquoi (finalité du travail) ou sa passion (contenu du travail) sont des processus de découvertes, qui suivent l’action et qui ne sont jamais figés. Ces processus prennent du temps et nécessitent curiosité, patience et persévérance.
En fin de compte, c’est votre capacité à agir, à tester, à engranger les expériences, puis à vous écouter et à itérer, qui vous aidera à créer votre propre sens.
Belle fin de semaine ☀️
-Eliott
Pour aller plus loin, voici quelques références qui ont nourri ma réfléxion :
Why We Work - Barry Schwartz
So Good They Can’t Ignore You - Cal Newport
The Pathless Path - Paul Millerd
Rapport “Du sens à l’ouvrage- comprendre les nouvelles aspirations au travail” - Projet Sens
How To Avoid Work - William J. Reilly
PS : Merci d’avoir pris le temps de me lire 🙏 Si cela vous a plu, vous pouvez cliquer sur le petit ❤️ juste en dessous du titre de cet e-mail, laisser un commentaire ou me faire un retour par mail/message privé 💬
Chapitre après chapitre tu écris un livre sur le développement personnel dis moi mon neveu 🥰
Dense , détaillé , passionnant ! 🤩❤️💪